Inverness - Tongue Du 22 au 24 juillet - 292km (Total:1411km)
Ce matin nous avons le sourire ; sur la table trône pain, beurre, yaourt, café et confiture. Un rayon de soleil se décalque sur le carreau de la fenêtre de la cuisine. Nous remercions Niel de son hospitalité, nous saluons Alexis et Cécile et nous renfourchons nos montures. Aujourd’hui notre route sera guidée par l’appel du Nord : direction Ullapool. Une chose nous a fait beaucoup sourire lorsque l’on parlait de notre itinéraire avec les gens que nous rencontrions : « Où allez-vous ? » « Eh bien vers le Nord » « Ah vous allez à Inverness ! » « Euh, non non, le Nord nord, vraiment… » « Ah ». Ces discussions ne nous rendaient que plus impatients ; ces régions ne doivent être guère fréquentées vu l’étonnement des habitants quant à notre désir d’y faire un tour.
La route se fait plus large, les espaces plus vastes, plus sauvages. Les habitations et les voitures se font encore plus rares. Sur le bord de la route, nous apercevons un panneau « dernier magasin avant 60 miles (env. 90km) ». Marrant.
Les paysages sont à couper le souffle ; grandes étendues vertes, sans forêt, parsemées ça et là de pics et de rivières à l’eau transparente. Décidemment l’Ecosse a encore de quoi nous surprendre. Chose incroyable : il fait grand beau ; nous savourons cette nouveauté en pique-niquant au bord d’un grand lac. En cheminant vers Ullapool nous établissons notre record de vitesse dans une descente abrupte : 72km/h – nous ne savons pas encore que nous ferons bien mieux… Tout enjoué, nous croisons alors un cyclo-randonneur et lui crions des « good luck ! » avec un sourire pervers. Lui nous regarde hébété, il ne sait rien de la côté qui l’attend - le pauvre. Pour nous la route continue agréablement et débouche sur Ullapool, petite ville de 1300 habitants mais qui peut se targuer d’être le plus grande à des dizaines de kilomètres à la ronde ; spectacle magnifique que ce petit port de pêche niché entre le Loch Broom et l’Océan Atlantique nord (The Minch).
Nous nous arrêtons pour faire des provisions car apparemment ce risque d’être plus compliqué par la suite et décidons de camper dans un coin perdu mais somptueux quelques kilomètres plus loin.
Lorsque que nous nous levons le lendemain, le soleil n’a toujours pas décampé. Waouh ! Nous partons alors pour la journée qui sera peut-être pour nous la plus mémorable tant l’alchimie entre routes, paysages, rencontres et temps fut parfaite. Pourtant il s’en est fallu de peu qu’elle soit tout autre ; ce matin nous hésitons entre continuer par la route principale qui file tout droit vers le Nord ou faire un détour par la tout petite route qui longe la côte. Nous repensons alors à notre vieille devise de baroudeurs vosgiens : lorsque deux solutions se présentent, toujours choisir la plus difficile. Avec un sourire de défi, nous bifurquons vers le large.
Le reste se passe de commentaires ; imaginez une petite route – minuscule, serpentant entre les rochers, les buissons, les falaises, les rivières, les lochs offrant un paysage grandiose à chaque nouveau coup de pédale. Clément décide même de se mettre en t-shirt : une première depuis notre départ ! De plus les camping-cars bien renseignés que nous croisons de temps à autres se montrent courtois, voire solidaires. Lorsque que nous grignotons nos tranches de pain de pie et notre cheddar sur un banc qui domine une splendide étendue aux tons verts rivalisant de nuances, un camping-car s’arrête à nos côtés. Nous jetons un coup d’œil à la plaque d’immatriculation : 69. Ahah des Français ! Il nous faut les aborder : nous entonnons Piaf pour qu’ils nous repèrent. Chose faite, nous entamons la discussion ; c’est un couple qui s’avère fort sympathique. La femme nous propose même du pain (!!!) et du brie (!!!). Vive la solidarité nationale !
L’après-midi n’a rien à envier au matin ; nos yeux n’en reviennent pas. Nos jambes non plus : c’est beau mais continuellement en descente-montée-à gauche-à droite. Nous abordons des côtes à plus de 20%. Debout, en danseuse avec 20 kilos de bagages, l’opération n’est pas des plus efficace – cela en devient comique. Nous franchissons le lieu dit de Lochinver.
Le soir nous entrons dans le village de Scourie. Fatigués par le tracé éreintant de la journée, nous cherchons un coin où planter la tente. Nous apercevons un terrain de foot. Pourquoi pas ? C’est l’endroit idéal en fait : peu d’habitations alentour et une pelouse des plus confortables !
24 juillet. Nous continuons notre avancée vers le Nord. Le temps est redevenu maussade – mais pas de pluie. Au matin nous croisons un couple de randonneurs français assis à la terrasse d’un hôtel. Le serveur leur apportent deux chocolat chaud avec plein de crème tandis que de notre côté nous lui demandons de remplir nos gourdes d’eau. Un petit coup d’œil envieux sur les tasses, un salut et nous repartons.
Plus tard deux 4x4 suisses nous doublent ; ils l’ont déjà fait deux fois hier, ils le feront encore deux fois cet après-midi. Nous devenons compagnons de route…
A midi, nous décidons de pique niquer à Balnakeil Bay où se trouve un petit village vivant uniquement de son artisanat traditionnel. Le bled en lui-même ne nous emballe pas tellement – un peu étrange même, par contre la baie est sympathique. Lorsque que nous ouvrons notre boîte de jambon, nous faisons la connaissance d’un scarabée gros comme un grillon- hum déjà que le jambon est pas terrible ! Miam miam ! Nous nous permettons un carrée de chocolat de la tablette que Janet nous avez donné avant de quitter la ferme. Nous lui avions promis de ne pas l’entamer avant d’avoir atteint la côté nord – c’est fait !
Notre objectif est maintenant de suivre le littoral nord jusqu’à Thurso pour prendre le train afin de redescendre vers le sud. Nous pensions que la côté serait plutôt roulante mais ce n’est pas vraiment le cas, elle en devient même éreintante.
C’est alors que surgit notre deuxième prise de tête – tout ça à cause de John Lennon, ou plutôt à cause de sa mort, enfin un truc insignifiant dans notre situation. Un bras de mer – le Loch Eriboll n’arrange pas vraiment les choses ; gros détour, pluie, vent et montées raides. Pourtant l’une d’elles nous fait retrouver le sourire lorsque nous y doublons un cyclo-randonneur allemand… à côté de son vélo ! Nous sommes tous sourires ; la réputation de nos voisins Teutons n’est donc pas toujours fondée ! Sans prétention, nous échangeons deux trois mots et l’encourageons.
Le soir nous parvenons à Tongue. Nous ne trouvons pas de prés où camper, nous décidons donc de partir à la recherche du terrain de foot du village. Nous le trouvons ; problème : un match s’y déroule. Pour patienter, nous nous asseyons au bord du terrain et suivons la partie, assez impressionnante d’ailleurs : le profil des joueurs va de l’allumette au lanceur de poids et leurs âge de l’adolescent au presque vieillard. Leur technique et les hurlements poussés nous prouvent que le football peut s’avérer être un sport virile. Les deux équipes qui s’affrontent sont Tongue et… Scourie – notre pelouse de la veille ! Ce sont les deux villages les plus rapprochés ; 100 kilomètres les séparent…
Une fois le match fini, nous plantons la tente dans un coin et partons faire la lessive grâce à un robinet dans l’enceinte de l’école à côté. Clément se rend compte que ses cuisses se sont trop musclées comparées à la taille de son cuissard. C’est vrai qu’en nous lavant, nous apercevons les effets de 1500 kilomètres de vélo ; nous commençons à apercevoir nos côtes, nos cuisses et nos mollets ont durcis, nos fessiers aussi.
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